Questions fréquentes

Le célibat n'est-il pas trop difficile ?

On ne peut répondre par oui ou par non ! La chasteté parfaite pour le Royaume implique un choix et dans tout choix, il y a un aspect négatif qui peut porter une difficulté, mais surtout un aspect positif qui l’emporte sur le négatif puisque c’est lui qui motive et détermine le choix !

L’aspect négatif de la chasteté parfaite ? Pour nous, moniales, c’est de renoncer à la sécurité d’un époux, à la joie des enfants, à la chaleur et à la tendresse d’un foyer. Ce n’est pas un petit renoncement, et nous ne l’avons pas pris à la légère et certainement pas par mépris de la sexualité car il s’agit de renoncements intimes qui atteignent l’élan naturel inscrit dans notre être créé par Dieu : « Homme et femme, Dieu les créa,… et il vit que cela était très bon » (Gn 1). Cela est-il cause de souffrances ? À certaines heures, la moniale pourra ressentir une peine du cœur et même du corps… Mais cette peine, si peine il y a, est librement acceptée et consentie par amour du Christ, de nos frères en humanité, et désir de la vie éternelle.

Et voici l’aspect positif qui, pour nous, l’emporte sur l’aspect négatif : pour comprendre la chasteté parfaite que nous choisissons, il faut la lire au regard de l’attente de l’humanité, la vie éternelle dans le Royaume de Dieu, où le destin de notre corps n’est pas la mort, mais la résurrection. Là, nos corps seront transfigurés pour porter en eux, de manière définitive, le sceau de la totale liberté en vue de la totale communion à Dieu et par Dieu à tous les hommes : « Les fils de ce monde-ci prennent femme et mari ; mais ceux qui auront été jugés dignes d’avoir part à ce monde-là et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari » (Luc 20, 34). Autrement dit, la communion conjugale du temps présent sera abolie dans l’éternité parce qu’alors, dans la résurrection de nos corps, nous atteindrons la plénitude de leur capacité de don en vue de la communion parfaite à Dieu et à tous les hommes.

La chasteté parfaite est donc pour nous une manière de donner notre corps à notre Seigneur comme signe avant coureur de notre transfiguration pour une plénitude de communion avec Dieu et tous les hommes.

Ce don, dès ici-bas, est source d’une très grande liberté. Il nous rend déjà disponibles à tout moment, aux besoins de nos frères en humanité que nous portons dans notre prière quotidienne. Il engendre aussi la joie et la paix, toujours plus intimes, qui sont le fruit du don radical de soi-même au Christ… « Celui qui est capable de comprendre, qu’il comprenne ! » (Matthieu 19, 12).

Pourquoi une clôture ?

Notre vie monastique est une vie de contemplatives cloîtrées : nous vivons en clôture parce que nous considérons que cette séparation matérielle effective du monde est une aide qui a fait ses preuves pour accomplir notre vocation. Nous la recevons comme un don de l’Eglise pour préserver notre charisme particulier de moniales contemplatives.

La clôture matérialise d’une manière très sensible notre retrait du monde : elle est un signe et un moyen pour nous aider à garder l’esprit de retraite si cher à saint Benoît qui demande au moine de « se faire étranger aux manières du siècle » (RB ch. 4).

Un signe

Un signe n’a de valeur qu’en fonction de sa capacité à dire la réalité qu’il signifie et il ne mérite d’être gardé que pour autant qu’il signifie de manière effective. Notre clôture est signifiante parce qu’elle exprime très concrètement la séparation, le retrait du monde. Et cette séparation rendue manifeste est le signe d’une autre réalité : l’appartenance exclusive à Dieu.

Un moyen

Un moyen n’est utile que s’il sert vraiment la fin pour laquelle on l’utilise. Il faut donc se demander si notre clôture nous aide vraiment à vivre l’esprit de retraite, si elle favorise le silence extérieur et intérieur. Or s’il est clair que les journaux, Internet, les nouvelles du monde peuvent pénétrer dans le monastère avec ou sans clôture, il est tout aussi clair que la discipline de la clôture en limite singulièrement l’accès de même que les contacts avec les personnes extérieures. Par ailleurs, la clôture la plus importante est celle du cœur : c’est d’abord en veillant sur ses pensées que la moniale garde l’esprit de silence et de retraite. Si la clôture matérielle ne garantit pas le silence intérieur, elle demeure une aide qui rappelle la clôture qui doit être en nos cœurs si nous voulons chercher Dieu « en esprit et en vérité ». Autrement dit la clôture n’est qu’un instrument, mais un instrument important : elle est un moyen ascétique, elle nous indique une discipline et une sagesse de vie qui nous oriente efficacement vers notre idéal de vie monastique.

« Il s’agit d’une manière typique et adaptée de vivre le rapport sponsal avec Dieu dans l’unicité de l’amour et sans interférences indues de personnes ni de choses, de façon que la créature, tendue vers Dieu et absorbée en lui, puisse vivre uniquement à la louange de sa gloire. » (Instruction Verbi Sponsa, 5)

Mais cette séparation, en vous éloignant ainsi du monde, n’est-elle pas égoïste ? N’est-ce pas trop facile de fuir le monde et ses défis ?

Si on entre au monastère pour fuir les soucis du monde et pour avoir « une vie bien tranquille », on se trompe d’adresse ! L’expérience le montre vite… Si l’intention n’est pas de pratiquer le grand commandement de l’amour : aimer Dieu et son prochain comme soi-même, la candidate ne tiendra pas longtemps !

Au monastère, on se retrouve dans la solitude mais une solitude relative à Dieu, à ses frères et à soi-même ! Autrement dit, c’est un grand moment de vérité, une mise au pied du mur… qui dure toute une vie ! Au monastère on découvre vite tous ses défauts et ceux de ses frères. C’est une vie dans le concret de la nature humaine où on s’aguerrit au combat contre nos propres défauts et où on apprend l’humilité, c’est-à-dire la reconnaissance sincère de ce que nous sommes en vérité, devant Dieu et devant nos frères. Le monde, il est d’abord en nous, et en ce sens, il vient avec nous au monastère. Mais là, on va apprendre à le mettre à sa juste place pour qu’il ne détourne pas de Dieu mais pour qu’il soit vraiment ce qu’il doit être, c’est-à-dire le signe de Celui qui l’a créé.

Dès lors, notre vocation sera d’exprimer ce mouvement de retour de la création à Dieu, d’en être, nous aussi, le signe. Mère Cécile Bruyère exprimait cette idée lorsqu’elle disait que les moniales qui vivront à Saint-Michel auront mission de faire chanter l’océan, de donner une voix à cette immensité. Nous avons mission de prier pour le monde et de l’offrir, dans la louange, à Dieu. Si nous sommes séparées du monde, c’est pour lui être davantage présentes, dans la prière et l’offrande de nos vies. Chaque jour, nous portons dans notre prière toutes les intentions du monde, le désir de la paix de tous les peuples et l’unité de la famille humaine. Cette paix et cette unité que tous désirent, nous voulons la signifier par notre vie communautaire de même que nous désirons manifester l’absolu de Dieu sur cette humanité. Ce témoignage « au cœur de l’Église » est ce qui constitue notre relation au monde.

À quel âge peut-on entrer au monastère ?
Il n’y a pas d’âge pour frapper à la porte du monastère, de même qu’il n’y a pas d’âge pour commencer à chercher Dieu, d’autant plus qu’il s’agit d’une quête qui n’a pas de fin !

Cependant, on ne reçoit pas de candidate avant l’âge de 17 ans, et passé un certain âge, il devient assez difficile de s’adapter à un genre de vie régulier et réglé comme l’est celui du monastère, et de secouer les vieilles habitudes qui se sont installées avec les années… Entre 17 et 40 ans est une fourchette raisonnable.

La vie monastique a-t-elle encore quelque chose à dire à notre monde d'aujourd'hui ?
Si l’on songe au nombre de personnes qui frappent à la porte de notre monastère ou qui viennent nous visiter chaque année (12000 en 2011), il est facile de répondre par l’affirmative !

Quelles sont les motivations de nos contemporains ? Pour beaucoup, les monastères apparaissent comme des lieux de repères. Dans un monde où tout bouge, où la certitude du matin est ébranlée par celle du midi et celle du midi par celle du soir, la stabilité monastique attire ; dans un monde qui méprise la chasteté, la pureté paradoxalement séduit ; dans un monde qui prône l’argent et le pouvoir comme sources du bonheur, la pauvreté évangélique et le mystère de l’obéissance, qui épanouissent radicalement des êtres humains, intriguent ! Et si nous vivons séparées de monde, nous ne sommes pas du tout étrangères à ses problèmes et aux questions contemporaines. Très souvent, nous constatons que notre manière de regarder ce monde intéresse nos contemporains.

Chez certains, il n’y a certes que de la curiosité : des moniales contemplatives, qui vivent en clôture, ce n’est pas une réalité courante. Ces curieux nous voient et nous entendent prier, et nous souhaitons que notre prière puisse parler à leurs cœurs.

Pour d’autres, il y a le désir et le besoin de temps de retraite : prendre du recul par rapport au monde d’aujourd’hui. Benoît XVI dit que « les monastères de vie contemplative se présentent comme des oasis dans lesquelles l’homme, en pèlerinage sur la terre, peut mieux puiser aux sources de l’Esprit et se désaltérer en chemin. Ces lieux, par conséquent, apparemment inutiles, sont en revanche indispensables, comme les poumons verts d’une ville : ils font du bien à tous, y compris à ceux qui ne les fréquentent pas et en ignorent peut-être l’existence. »

Enfin, nombre de nos contemporains sont attirés par la sagesse de saint Benoît. Sa Règle parle à tous : aux fidèles laïcs dans leur vie familiale mais aussi dans leur vie professionnelle. Saint Benoît connaît la nature humaine et il donne de grands principes de gouvernement toujours valables pour organiser une vie « en communauté » avec des êtres ordinaires et imparfaits, en suscitant le meilleur de chacun et en le faisant grandir. Bien des entrepreneurs, des directeurs de ressources humaines, s’inspirent aujourd’hui de la Règle de saint Benoît.

Pourquoi votre liturgie est-elle en latin et grégorien ?
Le chant grégorien est le chant de l’Église en prière. La Constitution sur la Sainte Liturgie du Concile Vatican II enseigne que le chant grégorien est « le chant propre de l’Église romaine » (Sacrosanctum Concilium, 116). L’usage du latin et du grégorien dans la liturgie est tout à fait traditionnel : « À l’origine, le chant grégorien ne faisait qu’un avec la liturgie, et la liturgie ne pouvait se passer de lui. Avec elle, il s’est formé, avec elle il s’est peu à peu développé, s’enrichissant comme elle avec le temps de formules nouvelles » (dom Pothier).

Par ailleurs, il ne constitue en rien un refus de l’usage de la langue vernaculaire. Si nous le préférons, c’est en raison de sa valeur unique et universelle, parce qu’il est l’expression musicale la plus limpide de la musique sacrée au service de la Parole de Dieu. En effet, ce chant, plus que tout autre et d’une manière parfaite, contient les richesses multiséculaires de la tradition latine : il est intelligence de la foi, expression de la charité de l’Église, de son unité et de sa sainteté.

Ajoutons que le latin ne constitue en rien une barrière à la prière ! Du reste, les candidates à la vie monastiques étudieront le latin pendant 10 ans.

« Comme l’enseigne l’Ange de l’école, la louange divine dans le ciel sera un vrai chant, in sanctis vocalis laus Dei (« Il y aura chez les saints une louange de Dieu par la voix », saint Thomas d’Aquin, IIa-IIae q 13 a 4). Que notre musique soit donc ici-bas le prélude de celle de l’Éternité, une musique vraiment belle, vraiment pieuse, vraiment sainte, et pour cela vraiment grégorienne. Soyons heureux, selon la pensée exprimée dans les Instituta Patrum, qu’avant d’être admis à la béatitude céleste, il nous soit permis de nous unir par nos chants au concert des Anges et des élus dans la louange de Dieu trois fois Saint. »